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Br�sil: Lula et "le n�oliberalisme � visage humain"

Michel Chossudovsky

Aut' Journal  juin 2003.
www.globalresearch.ca   13 juillet 2003

Le URL de cet article est: http://globalresearch.ca/articles/CHO307A.html


� la fin du mois de janvier 2003, au Forum social mondial � Porto Alegre dont le th�me �tait � Un autre monde est possible �, des dizaines de milliers de d�l�gu�s provenant des quatre coins du monde ont applaudi la prise de position anti-mondialisation de Luis Ignacio da Silva (Lula). Aucun des conf�renciers du Forum - parmi lesquels se retrouvaient des intellectuels, dirigeants syndicaux et repr�sentants de la soci�t� civile- ne s'est aper�u que le gouvernement du pr�sident Lula avait d�j� remis les reines du pouvoir macro-�conomique � Wall Street et au Fonds mon�taire international (FMI).

Pendant que les progressistes applaudissaient Lula en choeur, � l'autre bout du spectre politique, un autre acteur exprimait son enthousiasme pour Lula : le directeur du FMI, Heinrich Koeller.

Un financier de Wall Street pour diriger la Banque centrale

Lors de sa pr�sence au Forum �conomique mondial de Davos, au tout d�but de son mandat, Lula a voulu r�assurer les investisseurs �trangers en affirmant que � le Br�sil ne se retrouvera pas en d�faut de paiement de sa dette comme notre voisin l'Argentine �.

Si telle est sa volont�, pourquoi alors a-t-il nomm� � la direction de la Banque centrale, Henrique de Campos Meirelles, ancien pr�sident et pdg de la Boston Fleet, qui a jou� un r�le important dans la d�b�cle argentine? Sa banque est r�put�e avoir tremp� dans des transactions mon�taires douteuses qui ont contribu� � la chute dramatique du peso argentin.

La Boston Fleet est la septi�me plus importante banque aux �tats-Unis. Apr�s Citigroup, elle est le deuxi�me cr�ancier du Br�sil.

La Boston Fleet est �galement une des institutions bancaires et financi�res qui ont sp�cul� contre le r�al br�silien en 1998-1999, menant � l'effondrement spectaculaire de la Bourse de Sao Paulo le � mercredi noir � 13 janvier 1999. On estime, selon le Latin Finance du 6 ao�t 1998, que la BankBoston, qui a fusionn� par la suite avec Fleet, a empoch� 4,5 milliards de dollars dans le cadre du Plan r�al � partir d'un investissement initial de 100 millions.

Le Br�sil est dans un corset financier. Les postes clefs relative � la politique mon�taire et bancaire dans l'administration Lula sont d�tenus par des personnes nomm�es par Wall Street. La Banque centrale est sous le contr�le de la Boston Fleet.

Un ancien haut dirigeant de Citigroup, M. Casio Casseb Lima, s'est vu octroyer la direction de la banque d'�tat Banco do Brasil. � l'origine, ce dernier avait �t� recrut� en 1976 par Henrique Meirelles de la BankBoston. Autrement dit, le dirigeant de la Banco do Brasil a des liens personnels et professionnels avaient les deux plus importants cr�anciers du Br�sil : Citigroup et Boston Fleet.

L'�quipe nouvellement nomm�e par le Parti des travailleurs � la Banque centrale est une copie conforme de celle du gouvernement pr�c�dent du pr�sident Fernando Henrique Cardoso. Le pr�sident sortant, Arminio Fraga, �tait un ex-employ� de Quantum Fund de New York, qui appartient au financier et sp�culateur George Soros de Wall Street.

Le nouveau pr�sident, Henrique de Campos Meirelles, a poursuivi cette collaboration avec Wall Street et le FMI et a maintenu le m�me cadre politique que son pr�d�cesseur : une politique mon�taire serr�e, des mesures d'aust�rit� g�n�ralis�es, de hauts taux d'int�r�t et la d�r�glementation des �changes avec l'�tranger. Cette derni�re mesure encourage les sp�culations contre la monnaie br�silienne, le r�al, et la fuite des capitaux. Il en r�sulte une augmentation en spirale de dette �trang�re.

On peut d'ores et d�j� pr�dire que le FMI va provoquer le d�mant�lement du syst�me bancaire �tatique. Et on ne risque pas de se tromper en affirmant que le nouveau dirigeant de la Banco do Brasil va jouer un r�le clef dans ce processus.

Pas �tonnant que le FMI soit enthousiaste ! Les principales institutions de gestion �conomique et financi�re sont entre les mains des cr�anciers du pays. Dans de telles conditions, le n�olib�ralisme se porte � merveille et une approche macro �conomique � alternative � dans l'esprit de Porto Alegre est tout simplement impossible.

R�p�tition du d�b�cle financier argentin?

Le nouveau pr�sident de la Banque centrale du Br�sil, Henrique Meirelles, �tait un ardent supporteur du controvers� ministre des Finances argentin, Domingo Cavallo. Celui-l� m�me qui, sous le gouvernement Menem, a men� le pays � une profonde crise �conomique et sociale.

Dans une entrevue accord�e en 1998 � Latin Finance, Meirelles d�clarait que � l'�v�nement le plus important en Am�rique latine a �t� le plan de stabilisation de Domingo Cavallo en Argentine. L'approche �tait diff�rente. Ce n'�tait pas un contr�le des prix ou un contr�le des flux mon�raires. C'�tait un contr�le de l'�mission de monnaie et des finances du gouvernement. �

Ce soi-disant � contr�le de l'�mission de la monnaie � auquel se r�f�re Meirelles signifie, essentiellement, le gel du cr�dit aux entreprises locales, ce qui a conduit � l'effondrement de l'activit� productive.

Les r�sultats ont �t� probants : une kyrielle de faillites, le ch�mage et la pauvret�. Succombant aux politiques du ministre des Finances Cavallo au cours des ann�es 1990, la plupart des banques nationales et provinciales, qui �taient sous contr�le �tatique et qui accordaient des pr�ts � l'industrie et � l'agriculture, ont �t� vendues � des banques �trang�res. La Citibank et la Fleet Bank of Boston ont �t� les b�n�ficiaires de r�formes promues par le FMI.

Domingo Cavallo a �t� l'architecte de la � dollarisation �. Agissant sous les ordres de Wall Street, il a li� la valeur du peso � celle du dollar. La Banque centrale est devenue une simple caisse d'�mission de la monnaie (currency board), de caract�re nettement colonial. Il en est r�sult� l'augmentation en spirale de la dette ext�rieure et la d�composition du syst�me mon�taire national.

Cette d�composition des structures mon�taires du pays men�e par le Ministre Cavallo fut promue activement par Wall Street et, plus particuli�rement, par Citigroup et la Fleet Bank.

Avec la caisse d'�mission (currency board), la cr�ation de monnaie est sous le contr�le des cr�anciers �trangers. La Banque centrale n'existe virtuellement plus. Le gouvernement ne peut proc�der � aucun investissement domestique sans l'approbation des cr�anciers �trangers. La R�serve f�d�rale �tats-unienne prend le contr�le de l'�mission de la monnaie. Le cr�dit peut �tre accord� aux producteurs domestiques uniquement par l'augmentation de la dette ext�rieure, libell�e en dollar.

Quand la crise a atteint son sommet en Argentine en 2001, les principales banques cr�ditrices ont siphonn� des milliards de dollars hors du pays. Une enqu�te a �tabli, en 2003, non seulement la responsabilit� du ministre Domingo Cavallo, mais �galement celle de plusieurs banques �trang�res, y inclus Citibank et la Boston Fleet, dont Henrique Mereilles �tait alors le pr�sident.

Vers la dollarisation

Le fait que la Banque centrale et le minist�re des Finances soient sous le contr�le de Wall Street va conduire le Br�sil � une autre crise financi�re, semblable � celle qui a frapp� le pays en 1998-1999.

Les politiques macro-�conomiques adopt�es par le pr�sident Lula pourraient bien mener, dans un avenir rapproch� � un d�faut de paiement de la dette, ce qui aurait pour con�quence la destabilisaiton du devise nationale le r�al, entra�nant le Br�sil dans la voie de la � dollarisation �. Une caisse d'�mission (currency board) sous la surveillance de Wall Street semblable � celle impos�e en Argentine serait alors mise en place. Cela signifierait que le dollar am�ricain deviendrait la devise de facto du Br�sil. Avec, comme r�sultat, la perte de la souverainet� �conomique. La Banque centrale perdrait toutes ses fonctions. Comme dans le cas de l'Argentine, la politique mon�taire sera d�cid�e par la R�serve f�d�rale �tats-unienne.

Bien que cela ne fasse pas partie officiellement des n�gociations de la Zl�a (Zone de libre �changes des Am�riques), l'adoption du dollar am�ricain comme monnaie commune dans l'h�misph�re occidental fait n�anmoins l'objet de discussions a huis clos. Wall Street cherche ainsi � �largir son contr�le � travers tout l'h�misph�re, en s'emparant de totues les institutions bancaires nationales, y inclus celles du Br�sil.

Le billet vert a d�j� �t� impos� comme devise nationale dans cinq pays latino-am�ricains, soit l'�quateur, le Panama, le Salvador et le Guatemala. Les cons�quences de cette � dollarisation � sont d�sastreuses. Dans ces pays, Wall Street et la R�serve f�d�rale �tats-unienne contr�lent directement la politique mon�taire.

Le gouvernement br�silien doit tirer les le�ons du d�b�cle argentin, o� la m�decine �conomique du FMI a contribu� � pr�cipiter le pays dans une crise �conomique et sociale profonde. � moins qu'il y ait un changement en profondeur de la politique mon�taire, le Br�sil se dirige vers un d�b�cle semblable � celui de l'Argentine .

Alors que le nouveau gouvernement du Parti des travailleurs pr�tend �tre une � alternative � au n�olib�ralisme, ayant comme objectif la diminution de la pauvret� et la redistribution de la richesse, sa politique mon�taire et sa politique fiscale sont entre les mains des cr�anciers de Wall Street.

Le FMI et la Banque mondiale ont compliment� Lula pour son engagement � respecter � les fondamentaux de l'�conomie �. Selon le FMI, le Br�sil est sur la � bonne voie �. La Banque mondiale a aussi lou� le gouvernement br�silien en d�clarant que � le Br�sil poursuit un programme social audacieux avec une politique fiscale responsable �.

De quel type d'� alternative � s'agit-il lorsqu'un gouvernement, qui s'engage aupr�s des citoyens � � combattre le n�olib�ralisme �, devient un ardent d�fenseur du � libre march� � et de la � m�decine �conomique forte �? Derri�re la rh�torique populiste du gouvernement du pr�sident Lula, la politique n�olib�rale demeure intacte.


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