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Qui a tu� Djindjic ?

Et quelles seront les r�percussions dans les Balkans?

par Michel Collon

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www.globalresearch.ca   14 mars 2003

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Sherlock Holmes aurait du travail � Belgrade. Et bien des suspects sur les bras, car il serait difficile d'y trouver des amis de Djindjic. "Vous �tes le chef de la maffia, et j'en ai les preuves", venait de lui lancer en plein parlement Vojislav Seselj. Beaucoup le pensaient aussi. O� va la Serbie? MICHEL COLLON

Qui avait port� Zoran Djindjic au pouvoir ? Le peuple serbe, nous disaient les m�dias. En r�alit�, sa cote de popularit� avait toujours �t� proche du z�ro (� l'inverse de Kostunica). Surtout apr�s qu'il ait soutenu l'Otan tandis que les bombes pleuvaient sur son pays. Qui alors avait port� Djindjic au pouvoir ? L'Occident. Gr�ce � 9 ann�es d'un embargo �puisant (dict� par le FMI pour liquider l'autogestion et imposer la globalisation).

Plus 9 ann�es d'une guerre m�diatique de diabolisation. Plus 78 jours de bombardements de l'OTAN. Plus des dizaines de millions de dollars d'une campagne de d�stabilisation orchestr�e par la CIA en 2000 pour chasser Milosevic. Le m�me genre de campagne qui a jusqu'� pr�sent �chou� contre Chav�s. Depuis, on ne nous parlait plus jamais de la Yougoslavie, ce pays � qui l'Ouest avait g�n�reusement offert le � march� libre �, la d�mocratie, et la promesse d'une entr�e dans l'Otan et l'U.E contre l'abandon de toutes ses richesses aux multinationales.

Depuis 2000, plus un mot. Etait-ce la fin de l'Histoire, la globalisation ayant triomph� jusqu'� Belgrade ? Et au Kosovo o� l'on venait, discr�tement, de privatiser 25% des entreprises en fermant tout le reste ? Mais l'Histoire n'est jamais termin�e. Le peuple serbe r�sistait aux privatisations et aux trahisons. Les ouvriers de Zastava venaient de faire gr�ve, refusant d'�tre jet�s � la poubelle pour qu'un groupe canadien puisse faire main basse sur leur usine. L'Otan �tait toujours qualifi� comme il le m�rite, � savoir � agresseur �. La fiert� restait debout attisant la crise du groupe au pouvoir.

Deux ou trois hypoth�ses� Qui a tu� Djindjic ?

Plusieurs hypoth�ses m�me si, � ce stade, il convient de rester prudent. La m�thode professionnelle employ�e semble exclure l'id�e d'un patriote voulant venger son pays trahi. Restent : 1. Les rivalit�s au sein de la clique au pouvoir. 2. Un r�glement de comptes maffieux. Ou les deux ensemble. Djindjic avait renvers� Milosevic en construisant une coalition h�t�roclite de 18 partis dont le seul ciment �tait l'arrivisme. Une fois arriv� au pouvoir, il s'�tait empress� de le confisquer, suscitant le d�pit car les privatisations profitaient surtout � ses copains (voir notre article O� en est la Yougoslavie ?).

Les d��us de son propre camp �taient donc nombreux et n'auraient sans doute pas pay� cent dinars pour augmenter le nombre de ses gardes du corps. Mais qui �taient ces � copains � de feu Djindjic ? Il y a quelques mois, il avait �touff� une enqu�te sur la maffia et les ministres du parti de Kostunica avaient d�missionn� pour protester. Qui dit maffia, dit rivalit�s, int�r�ts l�s�s et r�glements de comptes. On ne sp�culera pas sur la question d'o� viennent les balles. Mais on rappellera des pr�c�dents : les prot�g�s de l'Occident en ex-Yougoslavie ont tous �t� li�s � de sombres trafics, m�me si les m�dias restent bien discrets l� aussi. L'entourage du pr�sident bosniaque Izetbegovic a d�tourn� des millions de dollars d' � aide internationale �. L'UCK, signalent tous les services policiers europ�ens, a transform� le Kosovo en plaque tournante des trafics de drogue, armes et prostitution. � L'Otan a fait un mariage de raison avec la maffia �, indiquions-nous dans notre film Les Damn�s du Kosovo .

Dans la propagande occidentale, Djindjic �tait � l'homme qui instaure la d�mocratie �. Or, ce bilan est tout aussi d�sastreux. Il a supprim� l'Etat yougoslave juste pour priver de poste son rival Kostunica. Il a ill�galement fait exclure du parlement les d�put�s du plus grand parti, celui de Kostunica. Il a foul� aux pieds le jugement de la Cour Supr�me invalidant cette exclusion. Il avait fait pareil lorsque la m�me Cour a rejet� la livraison - kidnapping de Milosevic vers La Haye. Il a priv� l'arm�e de ses budgets (y compris pour la nourriture des soldats) parce que celle-ci avait d�masqu� des espions �trangers au sein du gouvernement. L'homme providentiel de l'Ouest �tait juste un gangster politique.

Washington contre Berlin ?

En Serbie, la rue appelait Djindjic � l'homme des Allemands �. Ce matin, une journaliste italienne nous a demand� : � Le meurtre pourrait-il �tre li� � la rivalit� Washington et Berlin dont vous avez tant parl� depuis des ann�es ?� Ce n'est pas le genre de choses qui se prouve facilement. Mais c'est en tout cas parfaitement possible. Quelques indices�

Indice n� 1. C'est le moment de rappeler pourquoi la guerre en Bosnie a dur� si longtemps.

Dans ses m�moires, Lord Owen, envoy� sp�cial europ�en, �crivit : � Je respecte beaucoup les Etats-Unis. Mais durant ces derni�res ann�es (92-95), la diplomatie de ce pays est coupable d'avoir prolong� inutilement la guerre en Bosnie. � Que visait-il ? Ce que nous avons expos� dans notre livre Poker menteur : En 91, Berlin a fait �clater la Yougoslavie et pris le contr�le des nouveaux r�gimes en Slov�nie, Croatie et Bosnie. D'abord prise de vitesse, Washington s'est efforc�e de r�cup�rer les cartes en mains. La Yougoslavie, c'est le Danube, route strat�gique vers le Moyen-Orient et vers le Caucase, donc vers le p�trole et le gaz.

La voie que toutes les grandes puissances ont toujours voulu contr�ler. Berlin veut amener son p�trole via le Danube et le Rhin. Par contre, Washington veut construire un pipe-line plus au sud � travers la Bulgarie, la Mac�doine et l'Albanie. Car les Etats-Unis entendent contr�ler l'approvisionnement �nerg�tique de leurs rivaux, Europe et Japon. Ils ont construit au Kosovo la super-base militaire de camp Bondsteel qu'ils comptent utiliser contre l'Irak. En Bosnie, Washington avait donc ordonn� au pr�sident bosniaque Izetbegovic de ne signer aucun accord de paix propos� par les Europ�ens en lui promettant de gagner la guerre sur le terrain. Ce qui fut fait. Bref, les USA ont prolong� la guerre de deux ann�es et aussi les souffrances de toutes les populations. Dans la rivalit� entre grandes puissances, les pires coups sont permis.

Indice N� 2 : En 2000, Washington, qui contr�le les cr�dits accord�s ou non par le FMI, avait promis des flots de cr�dits pour aider le nouveau r�gime et maintenir les illusions �lectorales cr��es dans la population. Mais rien ne venait. Dans une interview au Spiegel, un hebdo allemand pr�cis�ment, Djindjic s'�tait plaint d'�tre ainsi mis en danger : � J'avertis l'Occident �. Pr�monitoire. Tout ce qu'on peut dire � ce stade, c'est que Djindjic sera davantage regrett� � Berlin qu'� Washington.

Indice N� 3. Que se passe-t-il ces temps-ci entre les grands alli�s de toujours, USA d'un c�t�, Allemagne et France de l'autre ? La plus grande dispute depuis la 2�me guerre mondiale. Si Washington veut absolument attaquer l'Irak, et puis l'Iran, c'est aussi pour affaiblir ses rivaux europ�ens. Les multinationales anglo-am�ricaines Esso, BP, Shell veulent �vincer d'Irak la soci�t� fran�aise Total. Et aussi �vincer d'Iran son partenaire �conomique num�ro un : l'Allemagne. Au moment o� Berlin et Paris d�rangent Bush, le coup port� � leur pion serbe pourrait tr�s bien �tre un avertissement dans cette cynique partie d'�checs que constitue la guerre globale.

Et maintenant ?

Quelles seront les cons�quences de la disparition de Djindjic ?

1. La crise au sein du r�gime va encore s'aggraver Kostunica tentera de r�cup�rer son pouvoir perdu. Les divers clans vont s'affronter pour prendre le contr�le de l'�conomie et des trafics.

2. Un danger fasciste guette la Serbie car le nouveau pouvoir aura fort � faire pour briser les r�sistances ouvri�res.

3. Les Balkans pourraient replonger dans la d�stabilisation. Les Balkans pacifi�s par l'intervention humanitaire de l'Ouest ? Le mythe aura du mal � se maintenir. Apr�s la guerre d�clench�e en Mac�doine en 2001 par les prot�g�s des Etats-Unis, c'est le Sandjak qui pourrait s'embraser avec une nouvelle menace de s�paratisme � base � nationaliste �, en r�alit� manipul�e de l'ext�rieur.

Au Kosovo, Washington continue � prot�ger l'UCK et son nettoyage ethnique qui chasse les Serbes, mais aussi les Juifs, les Roms, les Musulmans, bref toutes les minorit�s non albanaises. Ca g�ne de plus en plus certains puissances europ�ennes qui aimeraient stabiliser la zone et construire leur � corridor �nerg�tique �. D'autres r�gions voisines pourraient basculer.

Une r�gion o� s'affrontent les projets de pipe-lines ne saurait rester calme longtemps. Avec ce bilan catastrophique, il serait temps que la gauche occidentale sorte de son silence et dresse le bilan de quatre ann�es d'occupation OTAN au Kosovo.

C'est une catastrophe. Au moment o� Washington pr�pare d'autres occupations, la v�rit� doit absolument �tre connue et reconnue. Que le d�bat s'ouvre enfin !


Voir aussi, du m�me auteur : www.lesdamnesdukosovo.chiffonrouge.org    - Deux ans apr�s, o� en est la Yougoslavie ? - Kosovo, testez vos connaissances - Interview : Que se passe-t-il � pr�sent au Kosovo ? Un film brise le silence.

[1] Les Damn�s du Kosovo, film de Michel Collon et Vanessa Stojilkovic, disponible en vid�o en fran�ais, espagnol, italien, n�erlandais, anglais, serbe... cfr: lesdamnesdukosovo.chiffonrouge.org

[2] El Pais, 12 novembre 1995.

[3] Michel Collon, Poker menteur, EPO, Bruxelles, 1998, chap. 9. En anglais: Liars�Poker. En espagnol: El juego de la mentira. [4] Voir Les Damn�s du Kosovo. Et Michel Collon, Monopoly, Bruxelles, 2000, p. 98, 120, 122.


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