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Qui �tait Hariri, et qui peut �tre derri�re cet assassinat ?

par Mohamed Hassan

MichelCollon.org 28 fevrier 2005
www.globalresearch.ca 16 mars 2005

Le URL de cet article est: http://globalresearch.ca/articles/503A.html


 

Que cache l'assassinat d'Hariri ?

Le 14 f�vrier dernier, Hariri, ex-premier ministre du Liban (de 1992 � 1998 et de 2000 � 2004) �tait assassin� dans un attentat � Beyrouth. L'opposition libanaise appuy�e par les Etats-Unis et la France �voque la culpabilit� de la Syrie et exige le retrait de ses 14.000 soldats du Liban. La Syrie avait-elle int�r�t � assassiner Hariri? Y a-t-il d'autres enjeux que l'on nous cache? R�ponses avec Mohamed Hassan, sp�cialiste du Moyen-Orient.

David Pestieau & Luc Van Cauwenberghe



Qui �tait Hariri, et qui peut �tre derri�re cet assassinat ?

Mohamed Hassan
. Hariri est un homme d'affaire issu d'une famille ordinaire pauvre du Liban. Dans les ann�es 60, il a �migr� en Arabie saoudite o� il est devenu un homme tr�s riche. Il est revenu au Liban o� il est devenu deux fois Premier ministre. Il a toujours entretenu de bonnes relations avec la Syrie et toutes les forces nationalistes au Liban. Mais du fait qu'il utilisait l'appareil d'Etat pour s'enrichir encore plus personnellement, notamment dans la sp�culation immobili�re, il avait aussi ses ennemis.

Hariri est devenu Premier ministre apr�s les accords de Taef ( ville en Arabie saoudite) en 1989 qui ont mis fin � la guerre civile au Liban (1975-1990). La pr�sence de troupes syriennes a �t� accept�e � l'�poque comme un facteur de stabilisation. Toutes les forces nationalistes souhaitaient la pr�sence des troupes syriennes. Il ne faut pas oublier qu'Isra�l occupait encore le Sud Liban. M�me les Etats-Unis, l'Arabie saoudite et la France acceptaient alors la pr�sence syrienne. A ce moment-l�, il n'�tait pas question de parler de �colonisation syrienne� comme le font certains maintenant. Apr�s la stabilisation, les troupes syriennes �taient cens�es partir, mais il n'y avait pas de timing fix� dans ces accord de Taef.


Mais si Isra�l s'est retir� du Sud Liban en 2000, pourquoi les troupes syriennes sont-elles rest�es?

Mohamed Hassan
. En 2000, avec le d�part d'Isra�l, surgit une nouvelle situation. Le mouvement islamique Hezbollah contr�le le sud du Liban. Les Phalangistes chr�tiens pro-Isra�l soit sont partis en Isra�l, soit sont marginalis�s. Dans cette situation, la Syrie exer�ait un r�le de r�conciliation. Sans la pr�sence de la Syrie, des actes de vengeance contre ces Phalangistes n'�taient pas � exclure. De plus, les nationalistes souhaitaient le maintien des troupes syriennes pour prot�ger les camps de r�fugi�s palestiniens. On se rappelle qu'en 1982, sous la bienveillance de Sharon, les Phalangistes y ont perp�tr� des massacres.

La Syrie serait-elle derri�re l'assassinat de Hariri?

Mohamed Hassan. Les Etats-Unis. Mais, pour me comprendre il faut une vue d'ensemble du Moyen-Orient. Les Etats-Unis ont un tr�s s�rieux probl�me en Irak qu'ils n'arrivent pas � stabiliser. Ils y ont organis� des �lections, mais qui ne sont pas suivies de quelque chose de concret pour la population. Or, le gouvernement n'est soutenu que par l'arm�e am�ricaine. La mise sur pied d'une arm�e irakienne n'en est pratiquement nulle part. La r�sistance est de mieux en mieux organis�e. Pr�s de 30 villes sont quasiment lib�r�es. L'arm�e am�ricaine ne peut qu'y passer, mais elle n'y dispose d'aucune prise locale. Face � leur impuissance � contr�ler la situation, ils pointent du doigt la Syrie et l'Iran. Le ministre irakien de la D�fense du gouvernement pro-am�ricain Allaoui a ainsi accus� ces deux pays explicitement. La c�l! 32;bre TV du Qatar Al-Jazeera a pr�sent� le 24 f�vrier dernier une vid�o reprise de la TV irakienne devant prouver que beaucoup de r�sistants irakiens sont entra�n�s par les services secrets syriens. Alors qu'il y a quelques mois encore, la CIA affirmait que la plupart des terroristes venaient de l'Arabie saoudite. Autrement dit, les Am�ricains pr�parent le pied � la chaussure et pas la chaussure au pied!

Pourquoi s'en prennent-ils tellement � la Syrie?

Mohamed Hassan
. La Syrie a conclu une alliance avec l'Iran. Il ne s'agit pas seulement d'une alliance tactique mais �galement d'une alliance strat�gique. L'Iran est un pays riche, qui s'appr�te � entrer dans le Groupe de Shanghai qui comprend la Chine, la Russie... L'Iran a conclu un tr�s gros contrat de 170 milliards de dollars de livraison de p�trole avec la Chine. L'Inde et le Japon ont �galement conclu d'importants contrats. Les Etats-Unis veulent chasser tout le monde du Moyen-Orient, mais d'autres y entrent.

En attaquant la Syrie, les Etats-Unis lui enjoignent de casser son alliance avec l'Iran et d'arr�ter son soutien au Hezbollah et � la r�sistance palestinienne. Mais le gouvernement syrien ne s'est pas mis � paniquer et a maintenu sa politique. Il vient m�me de conclure un pacte commun avec l'Iran. Les deux pays soutiennent dans le Sud-Liban le Hezbollah, qui y a chass� Isra�l en 2000 et qui continue � mettre la pression sur Isra�l pour �vacuer le dernier morceau de terre qu'il continue � occuper. Affaiblir la Syrie, le dernier pays arabe � maintenir une politique nationaliste d'ind�pendance, revient � renforcer les gouvernements arabes collaborateurs des Etats-Unis, comme l'Egypte et l'Arabie Saoudite.

Quelles forces au Liban soutiennent le retrait de la Syrie maintenant?

Mohamed Hassan
. Il y a les Phalangistes, les milices chr�tiennes depuis toujours soutenues par Isra�l. Puis, les familles f�odales avec Chamael, Wallid Jumblatt et d'autres qui souhaitent regagner leurs anciens privil�ges.

D'autre part, avec le changement d�mographique, 50% de la population libanaise est maintenant chiite. Or, les organisations politiques repr�sentant la communaut� chiite, le Hezbollah et Amal, sont pro-syriennes. D'autres composantes comme la bourgeoisie d'origine chr�tienne se rendent compte qu'elles pourraient ne plus avoir aucune influence. Enfin, au niveau r�gional, les r�gimes compradores en Arabie Saoudite, Jordanie et Egypte soutiennent le retrait et les forces politiques qui leur sont li�es au Liban.

Faut-il craindre une intervention militaire contre la Syrie?

Mohamed Hassan
. Une intervention militaire ne vient qu'en dernier recours, pr�c�d� de toute une p�riode de pressions et d'intervention de toutes sortes. Mais les sanctions et pressions actuelles sont une forme de guerre.

Face � une impasse en Irak, les Etats-Unis cherchent des ennemis ext�rieurs. Comme ils l'ont fait lors de la guerre contre le Vietnam en bombardant le Cambodge et le Laos, ils pourraient aujourd'hui bombarder la Syrie et l'Iran. Car la r�sistance en Irak augmente le soutien parmi les nationalistes en Syrie et l'Iran et emp�che la bourgeoisie compradore de se d�velopper. Mais s'ils d�cident de bombarder la Syrie ou l'Iran cela ne fera que renforcer le courant nationaliste anti-am�ricain parmi les peuples arabes.

Nationalisme arabe : une histoire mouvement�e

Mohamed Hassan
. En 1952, le nationaliste arabe Nasser prend le pouvoir en Egypte. En 1956, la France, la Grande-Bretagne et Isra�l attaquent l'Egypte. C'est la guerre de Suez qui se termine en catastrophe pour les agresseurs. Les Etats-Unis en profitent pour affaiblir l'influence de la France et de la Grande-Bretagne dans la r�gion. Les gouvernements nationalistes de la Syrie et de l'Egypte concluent une alliance et cr�ent la R�publique Arabe Unie (RAU) en 1958. L'imp�rialisme am�ricain met sur pied le Pacte de Bagdad contre la RAU. Il s'agit d'une alliance r�actionnaire s'appuyant sur les bourgeoisies compradores (1) de l'Irak, la Jordanie, l'Iran, le Liban. Mais la r�volution irakienne en 1958 porte le coup de gr�ce au Pacte de Bagdad. Les Etats-Unis envoient la m�me ann�e pour la premi&! #232;re fois des troupes au Moyen-Orient, au Liban. La Grande-Bretagne fait de m�me en Jordanie. Il s'agit d'�viter � tout prix que la r�volution irakienne fasse tache d'huile. Mais ils n'arrivent pas � endiguer le mouvement national arabe, qui aspire � une vraie ind�pendance. Le nationalisme continue de se d�velopper au Yemen, en Alg�rie, en Palestine.

A l'�poque, le Liban, trois fois plus petit que la Belgique, est caract�ris� par le confessionnalisme (le pouvoir est divis� sur base religieuse : chr�tiens maronnites, sunnites, chiites, druzes...). Il existe un �quilibre pr�caire entre les diff�rentes minorit�s religieuses men�es par des dirigeants f�odaux. Mais durant les ann�es 50, le Mouvement de Lib�ration nationale arabe s'est d�velopp� et a fait alliance avec les Palestiniens. Un grand nombre de r�fugi�s palestiniens chass�s par Isra�l se trouvaient en effet au Liban. Le tout a men� � un affaiblissement des forces f�odales et � une position de neutralit� du Liban entre les pays nationalistes et compradores dans la r�gion. La situation risquait de basculer, d'o� l'intervention des Etats-Unis en 1958.

Aujourd'hui, nous avons une situation invers�e. L'Irak nationaliste a �t� d�truite, mais, il y a une r�sistance anti-imp�rialiste. L'Egypte est devenu un r�gime compradore qui collabore � fond avec les Etats-Unis et Isra�l. Les bourgeoisies compradores ont ainsi pris le dessus dans tous les pays arabes, sauf en Syrie. Si le r�gime en Syrie est affaibli, capitule ou est renvers�, ce sera une d�faite pour le mouvement national arabe. Le Hezbollah sera affaibli ou dispara�tra et cela favorisera l'�mergence d'une bourgeoisie compradore palestinienne, pr�te � collaborer avec Isra�l en faisant toutes les concessions possibles. Les Etats-Unis pourront alors plus facilement s'imposer dans toute la r�gion et Isra�l pourra s'int�grer dans la r�gion en imposant sa solution aux Palestiniens, priv�s de soutien ext�rieur.

Mais, pour les Etats-Unis, ce sc�nario id�al est plus qu'incertain. La r�sistance en Irak continue � se d�velopper. La Syrie tient bon et fait alliance avec l'Iran. Et la conscience populaire et l'antiam�ricanisme dans les pays arabes sont plus grands que jamais. M�me si le niveau d'organisation des gens dans des organisations r�volutionnaires est tr�s faible.

Note

1 Une bourgeoisie compradore est une fraction de la bourgeoisie dont les int�r�ts sont intimement li�s au syst�me imp�rialiste. Par exemple, la bourgeoisie saoudienne qui a plac� une grande partie de sa fortune en Occident.

Mohamed Hassan est co-auteur de L'Irak face � l'occupation :
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2005-01-25%2023:13:04&log=invites

Voir aussi : Gilles Munier - Qui a assassin� Hariri ?
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2005-02-25%2009:14:59&log=invites


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