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La responsabilit� des intellectuels:

Cuba, les �tats-Unis et les droits de l'Homme

par James Petras

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www.globalresearch.ca le 10 mai 2003

LE URL de cet article est: http://globalresearch.ca/articles/PET305A.html


Une fois de plus les intellectuels sont entr�s dans le d�bat - cette fois-ci sur les questions de l'imp�rialisme des �tats-Unis et des droits de l'homme � Cuba. "Quel est l'importance du r�le des intellectuels ?", me suis-je demand� en marchant devant le Puerto del Sol � Madrid un dimanche apr�s-midi ensoleill� (le 26 avril 2003). Puis j'ai entendu des slogans anti-castristes scand�s par quelques centaines de manifestants r�sonner � travers la place presque vide. Malgr� une dizaine d'articles et de commentaires par des intellectuels de renom dans les plus grands journaux de Madrid, et des heures de propagande � la t�l�vision et � la radio, plus le soutien accord� par les bureaucrates des plus grands syndicats et partis politiques, � peine 700 � 800 personnes, la plupart des exil�s Cubains, se sont pr�sent�es pour attaquer Cuba. "A l'�vidence," me suis-je dit, "les intellectuels anti-Cubains n'ont que peu ou pas d'influence mobilisatrice, du moins en Espagne."

Mais l'impuissance politique des �crivains anti-castristes ne signifie pas que les intellectuels en g�n�ral ne jouent pas un r�le important ; ni que leur faible audience signifie qu'ils soient sans ressources, surtout lorsqu'ils ont l'appui de la machine de propagande et guerri�re des �tats-Unis, qui amplifie et r�pand leurs paroles � travers le monde entier. Afin de se faire une id�e du d�bat qui fait rage entre les intellectuels sur les questions des droits de l'homme � Cuba et de l'imp�rialisme US, il est important d'examiner le r�le des intellectuels, du contexte et des enjeux majeurs dans le cadre du conflit entre les �tats-Unis et Cuba.

LE R�LE DES INTELLECTUELS

Le r�le des intellectuels est de clarifier les enjeux majeurs et de d�finir les principales menaces pour la paix, la justice sociale, l'ind�pendance nationale et la libert� � chaque �poque historique ainsi que d'identifier et soutenir les principaux d�fenseurs de ces m�mes principes. Les intellectuels ont la responsabilit� de faire la distinction entre les mesures de d�fense prises par des �tats et les peuples soumis � une agression imp�rialiste et les m�thodes agressives des puissances imp�riales � la recherche de conqu�tes. C'est le summum de l'hypocrisie que de placer sur un pied d'�galit� la violence et la r�pression des pays imp�rialistes avec celles de pays du Tiers-monde victimes d'attaques militaires et terroristes. Un intellectuel responsable examine sans concessions le contexte politique et analyse les relations entre une puissance imp�riale et ses fonctionnaires salari�s locaux, qualifi�s de "dissidents", au lieu de lancer des anath�mes selon son degr� de myopie ou ses imp�ratifs politiques personnels.

Les intellectuels engag�s qui pr�tendent parler avec une autorit� morale, surtout ceux qui se pr�tendent critiques de l'imp�rialisme, ont la responsabilit� politique de d�mystifier les manipulations du pouvoir, de l'�tat et des m�dias, particuli�rement lorsque la rh�torique imp�riale s'exprime sur les violations des droits de l'homme dans des �tats ind�pendants du Tiers-monde. Nous avons r�cemment vu trop d'intellectuels occidentaux "progressistes" soutenir ou se taire devant la destruction de la Yougoslavie par les �tats-Unis, du nettoyage ethnique de plus de 250.000 serbes, gitans et autres au Kosovo, et se rallier � la propagande US d'une "intervention humanitaire".

Tous les intellectuels Etats-Uniens (Chomsky, Zinn, Wallerstein, etc.) ont soutenu le soul�vement violent des int�gristes en Afghanistan, financ� par les �tats-Unis, contre le gouvernement s�culaire soutenu par les Sovi�tiques - sous le pr�texte que les Sovi�tiques avaient "envahi" l'Afghanistan et que les fanatiques int�gristes qui envahissaient le pays des quatre coins du monde �taient des "dissidents" venus d�fendre "l'auto-d�termination" - une manipulation r�ussie et avou�e par l'ancien Conseiller � la S�curit� Nationale, Zbig Bryzinski.

Hier comme aujourd'hui, des intellectuels prestigieux brandissent leurs pass�s de "critiques" � l'�gard de la politique �trang�re des �tats-Unis pour donner plus de poids � leur d�nonciation unanime des suppos�es entorses � la morale dont seraient rendus coupables les Cubains. Ils mettent sur le m�me pied d'�galit�, d'une part, l'arrestation par Cuba de fonctionnaires � la solde du D�partement d'�tat et l'ex�cution de trois pirates terroristes et, d'autre part, les crimes de guerre g�nocidaires de l'imp�rialisme US. Ces pratiquants des �quivalences morales examinent Cuba avec un microscope et les crimes �tats-uniens avec un t�lescope. Et c'est pour �a qu'ils sont tol�r�s dans les milieux lib�raux de l'empire.

IMP�RATIFS MORAUX ET R�ALIT�S CUBAINES : MORALIT� ET MALHONN�TET�

Les intellectuels sont divis�s sur le conflit entre les �tats-Unis et Cuba : Benedetti, Sastre, Petras, Sanchez-Vazquez et Pablo Gonzalez Casanova et beaucoup d'autres d�fendent Cuba ; des intellectuels de droite tels que Vargas Llosa, Savater, et Carlos Fuentes ont prononc� sans surprise leurs diatribes habituelles contre Cuba ; et une petite arm�e d'intellectuels g�n�ralement consid�r�s comme des progressistes - Chomsky, Saramago, Sontag, Zinn, et Wallerstein - ont condamn� Cuba, tout en brandissant leurs Curriculums d'opposants critiques pour ne pas �tre confondus avec les opposants de droite ou du D�partement d'�tat. C'est ce groupe de "progressistes" qui a provoqu� le plus de d�g�ts dans le mouvement anti-imp�rialiste et c'est � eux que j'adresse mes remarques.

Une morale qui s'appuie sur une propagande constitue un m�lange dangereux - particuli�rement lorsque les jugements sont �mis par des intellectuels prestigieux de la gauche et que la propagande en question �mane de l'extr�me droite de l'administration Bush.

Beaucoup de ces critiques "progressistes" reconnaissent, comme �a en passant en sans entrer dans les d�tails, que les �tats-Unis ont eu une attitude hostile et agressive envers Cuba, et ils reconnaissent "g�n�reusement" le droit de Cuba � l'auto-d�termination - puis ils se lancent dans une s�rie d'accusations sans fondements et de d�formations sorties de tout contexte - le contraire aurait pu aider � clarifier le d�bat et fournir une justification � ces "imp�ratifs moraux".

Le mieux serait de revenir v�rit�s premi�res. Les critiques de gauche acceptent les d�finitions fournies par le D�partement d'�tat et d�noncent la r�pression par le gouvernement Cubain d'individus, de dissidents, y compris des journalistes, de propri�taires de biblioth�ques priv�es et de membres de partis politiques non-violents qui tentent d'exercer leurs droits d�mocratiques. Ce que les "progressistes" sont incapables de reconna�tre, ou refusent de reconna�tre, c'est que les personnes arr�t�es �taient des fonctionnaires pay�es par le gouvernement des �tats-Unis.

Selon l'Agence pour le D�veloppement International (AID), la principale agence f�d�rale charg�e de la distribution des dons et des pr�ts dans l'int�r�t de la politique �trang�re des �tats-Unis, et dans le cadre du Programme USAID Cuba (r�sultat de la loi Helms-Burton de 1996), AID a distribu� plus de 8.5 millions de dollars aux opposants Cubains depuis 1997 afin qu'ils puissent publier, organiser des r�unions, faire de la propagande pour le renversement du gouvernement Cubain en coordination avec toute une vari�t� d'ONG �tats-uniennes, d'universit�s, de fondations et autres groupes qui servent de couverture. (voir le contenu de programme USAID Cuba sur le site d'AID).

Le programme USAID, contrairement aux pratiques habituelles, ne transfert pas les fonds au gouvernement Cubain mais directement � ses clients "dissidents" Cubains. Les crit�res pour b�n�ficier du financement sont clairement �nonc�es - les b�n�ficiaires des paiements et des pr�ts doivent avoir d�montr� un engagement clair en faveur du projet US pour une "transformation du r�gime" vers une "�conomie de march�" et la "d�mocratie" - sans doute proche de la dictature coloniale en Irak. La loi Helms-Burton, tout comme le manifeste r�dig� par des progressistes �tats-uniens, "condamne l'absence de libert� � Cuba, l'emprisonnement de dissidents innocents, et appelle � un changement d�mocratique du r�gime Cubain".

Ce sont l� des co�ncidences �tranges qui demandent une analyse. Les journalistes Cubains qui ont re�u 280.000 dollars de Cuba Free Press - une fa�ade d'AID - ne sont pas des dissidents mais des fonctionnaires salari�s. Les groupes de "d�fense des droits de l'homme" cubains qui ont re�u 775.000 dollars de Freedom House - fa�ade de la CIA - ne sont pas des dissidents - surtout lorsque leur mission consiste � promouvoir une "transition" (renversement) du r�gime Cubain. La liste des dons et des financements des "dissidents" cubains (fonctionnaires) par le gouvernement des �tats-Unis est longue et d�taill�e et accessible � tous les critiques moralisateurs progressistes. Le fait est que les opposants emprisonn�s par le gouvernement Cubain sont des fonctionnaires pay�s par le gouvernement des �tats-Unis, pay�s pour mettre en oeuvre les objectifs de la loi Helms-Burton en accord avec les crit�res de USAID et sous la direction du chef de la Section des Int�r�ts US � la Havane.

Entre le 2 Septembre 2002 et Mars 2003, James Cason, chef de la Section des Int�r�ts US � la Havane, a tenu des dizaines de r�unions avec ses "dissidents" cubains dans sa r�sidence et dans son bureau, leur fournissant des instructions et des indications sur ce qu'ils devaient �crire, comment recruter, tout en attaquant le gouvernement Cubain en des termes fort peu diplomatiques.

Les fonctionnaires Cubains de Washington recevaient du mat�riel �lectronique et du mat�riel de communication de USAID, des livres et autres mat�riels de propagande et de l'argent pour financer des "syndicats" pro-US � travers leur couverture du "Centre Am�ricain pour la Solidarit� Internationale du Travail". Il ne s'agit pas de "dissidents" bien intentionn�s, ignorants de l'identit� de leur bienfaiteur ou de leur r�le en tant qu'agents au service des �tats-Unis, puisque le rapport d'USAID indique (dans la section intitul�e ""The US Institutional Context"), "le Programme Cuba est financ� � travers le Fonds de Soutien �conomique - Economic Support Fund - qui est destin� � soutenir les int�r�ts �conomiques et politiques des �tats-Unis par la fourniture d'une aide financi�re aux alli�s (sic) et pays sur la voie de la d�mocratisation."

Aucun pays au monde ne tol�re, ou ne d�signe comme "dissidents", des citoyens pay�s par, et travaillant pour, une puissance �trang�re dans le but de servir les int�r�ts imp�riaux de ce dernier. Ceci est particuli�rement vraie aux �tats-Unis, ou dans l'article 18, paragraphe 951 du Code US, "toute personne qui accepte d'op�rer � l'int�rieur des �tats-Unis sous la direction ou le contr�le d'un gouvernement ou officiel �tranger sera inculp� de crime et risque une peine de 10 ans de prison". Sauf bien-sur si ces personnes se font enregistrer comme des agents �trangers ou si elles travaillent pour le gouvernement Isra�lien.

Les intellectuels "progressistes" �tats-uniens ont manqu� � leur devoir d'analyste et de critique et prennent pour argent comptant les affirmations du D�partement d'�tat selon lesquelles les fonctionnaires pay�es par les �tats-Unis, et qualifi�s de dissidents, lutteraient pour la "libert�".

Certains d�fenseurs des agents-dissidents �tats-uniens pr�tendent que les fonctionnaires ont �t� condamn�s � de "lourdes peines scandaleuses". Une fois de plus, la myopie empirique se m�lange avec une moralisation fallacieuse. Cuba est sur le pied de guerre. L'administration Bush a d�clar� que Cuba �tait sur la liste des cibles militaires pouvant �tre soumises � une destruction massive et � une guerre. Et au cas o� nos intellectuels moralisateurs ne s'en seraient pas rendus compte : Bush, Rumsfeld et les sionistes va-t-en-guerre de l'Administration ont l'habitude de faire ce qu'ils annoncent.

L'absence totale de s�rieux chez Chomsky, Zinn, Sontag et Wallerstein laisse penser qu'ils ne per�oivent pas l'imminence d'une menace de guerre de la part des �tats-Unis au moyen d'armes de destruction massive, annonc�e � l'avance. Ceci est particuli�rement d�sesp�rant lorsque l'on sait que beaucoup de ces critiques vivent aux �tats-Unis, lisent la presse �tats-unienne et sont conscients de la rapidit� avec laquelle les annonces belliqueuses peuvent �tre suivies par des actions g�nocidaires. Mais nos moralistes ne se sentent pas concern�s par le contexte, par les menaces US contre Cuba, imminentes ou pr�vues. Ils sont surtout impatients de d�montrer au D�partement d'�tat qu'ils s'opposent non seulement � la politique �trang�re des �tats-Unis mais qu'ils condamnent aussi chaque pays, syst�me ou dirigeant ind�pendant qui s'oppose aux �tats-Unis. En d'autres termes : cher M. Ashcroft, lorsque vous vous en prendrez aux "d�fenseurs" de la "terreur" Cubaine, rappelez-vous que nous sommes diff�rents, que nous aussi nous condamnons Cuba et que nous aussi nous demandons un changement de r�gime l�-bas.

Ceux qui critiquent Cuba ignorent le fait que les �tats-Unis ont d�j� mis en marche une strat�gie � deux voies, militaire et politique, pour prendre le contr�le de Cuba. Washington fournit l'asile aux terroristes pirates de l'air, encourageant ainsi les efforts de d�stabilisation d'une �conomie bas�e sur le tourisme, tout en travaillant �troitement avec l'organisation terroriste de la Fondation Nationale Cubano-Am�ricaine qui cherche � assassiner les dirigeants Cubains. De nouvelles bases militaires ont �t� construites dans la R�publique Dominicaine, en Colombie, au Salvador, et il y a l'extension du camp de concentration � Guantanamo - le tout pour faciliter une invasion. L'embargo US est sur le point �tre resserr� avec le soutien des r�gimes de droite de Berlusconi et d'Aznar en Italie et en Espagne.

L'activit� agressive et ouvertement politique de James Cason, de la Section des Int�r�ts, en coordination avec ses partisans Cubains fonctionnaires-salari�s-"dissidents", fait partie d'une strat�gie appliqu�e � l'int�rieur du pays et destin�e � affaiblir le soutien de la population cubaine au r�gime et � la r�volution. Les relations entre les deux tactiques et leur convergence strat�gique sont ignor�es par nos prestigieux intellectuels critiques qui pr�f�rent le confort de pouvoir prononcer quelques banalit�s sur la libert� partout et pour tous, m�me lorsqu'un psychopathe � Washington place un couteau sous la gorge des Cubains. Non merci, Chomsky, Sontag, Wallerstein - Cuba a raison de donner � ses agresseurs un coup de pied dans les parties et de les envoyer couper de la canne � sucre pour gagner honn�tement leur vie.

La peine de mort pour trois terroristes qui ont d�tourn� un ferry est s�v�re - mais tout comme la menace contre les vies des quarante passagers Cubains qui ont fr�l� la mort entre les mains de ces pirates. Encore une fois, nos moralistes ont oubli� de parler des actes de piraterie a�rienne et de tous les autres plans de d�tournement d�jou�s � temps. Les moralistes ne comprennent pas pourquoi des terroristes desperados cherchent � quitter Cuba par des moyens ill�gaux.

L'Administration de Bush a pratiquement supprim� le programme de visas pour les Cubains qui d�sirent partir. Le nombre de visas accord�s a diminu� de 9000 pour les quatre premiers mois de 2002 � 700 pour 2003. Il s'agit d'une tactique intelligente pour encourager les actes terroristes � Cuba et pour ensuite d�noncer les lourdes peines, tout en rameutant les b�ni oui-oui de la chorale des "Amen" de l'�lite intellectuelle progressiste US et Europ�enne. Est-ce simplement l'ignorance qui est � l'origine de ces condamnations contre Cuba ou y a-t-il encore autre chose - un chantage moral par exemple ? - qui voudrait obliger leurs coll�gues intellectuels Cubains � prendre position contre le r�gime, contre le peuple, ou sinon courir le risque de subir la d�sapprobation des intellectuels prestigieux et de se retrouver encore plus isol�s et stigmatis�s en tant "qu'apologistes de Castro".

Saramago a formul� des menaces pr�cises d'abandonner ses amis Cubains et d'embrasser la cause des fonctionnaires salari�s Etats-Uniens. Il a menac� implicitement de ne plus visiter Cuba et de boycotter les conf�rences. N'est-ce pas une l�chet� morale que de prendre fait et cause pour l'empire et de s'en prendre � Cuba lorsque celle-ci est menac�e d'une destruction massive et ceci pour la libert� de quelques agents pay�s que n'importe quel pays au monde aurait fait arr�ter ? Ce qui est hautement malhonn�te c'est d'ignorer totalement les grandes r�ussites de la r�volution dans les domaines de l'emploi, de l'�ducation, de la sant�, de l'�galit�, et de l'opposition h�ro�que et sans concession de Cuba aux guerres imp�riales - le seul pays au monde � les appeler ainsi - et sa capacit� � r�sister � presque 50 ans d'interventions. Ceci ne compte pas pour les intellectuels �tats-uniens - c'est scandaleux !! C'est une honte. Ils font des concessions en �change d'un peu de respectabilit�. Et ceci apr�s qu'ils aient "os�" s'opposer � une guerre �tats-unienne en compagnie de seulement 30 millions de personnes � travers le monde. Ce n'est pas le moment pour r��quilibrer la balance - en condamnant Cuba, en demandant un changement de r�gime, en soutenant la cause des "libre-�changistes" fonctionnaires-dissidents Cubains.

Souvenons-nous que les m�mes progressistes intellectuels ont soutenu les "dissidents" en Europe de l'Est et en Russie qui �taient financ�s par Soros et le D�partement d'�tat des �tats-Unis. Les "dissidents" ont remis leur pays entre les mains de la mafia Russe, l'esp�rance de vie a baiss� de 5 ans (plus de 10 millions de Russes sont morts pr�matur�ment suite � la destruction du syst�me de sant�), tandis que les "dissidents" de l'Europe de l'Est fermaient les chantiers navals de Gdansk, entraient dans l'OTAN et fournissaient des mercenaires aux �tats-Unis pour conqu�rir l'Irak. Et jamais on n'entend de la part de ces supporters des "dissidents" Cubains la moindre critique des r�sultats catastrophiques de leurs diatribes anti-communistes et de leurs manifestes en faveur des "dissidents" qui sont devenus les soldats de l'empire US au Moyen Orient et en Europe centrale.

Nos moralistes am�ricains n'ont jamais, je r�p�te, jamais r�fl�chi sur leurs �checs moraux, pass�s ou pr�sents, parce que, voyez vous, ils sont partisans de la "libert� partout", m�me lorsque les "mauvaises" personnes prennent le pouvoir et que "l'autre" empire prend le dessus, et que des millions meurent de maladies curables et que le champ de l'esclavagisme blanc s'�largit. La r�ponse est toujours la m�me : "Ce n'est pas ce que nous voulions - nous �tions pour une soci�t� ind�pendante, libre et juste - c'est seulement qu'en appelant � un changement de r�gime, en soutenant les dissidents, nous n'avions jamais pens� que l'Empire "raflerait tout", qu'il deviendrait l'unique superpuissance et se lancerait dans la colonisation du monde."

Les intellectuels moralisateurs doivent reconna�tre leurs responsabilit�s et ne pas se cacher derri�re des platitudes morales abstraites, reconna�tre leur complicit� pass�e dans la construction de l'empire et leurs responsabilit�s pr�sentes dans les d�clarations scandaleuses contre Cuba. Ils ne peuvent pas ignorer les cons�quences de leurs paroles et de leurs actes. Ils ne peuvent pas se pr�tendre innocents apr�s tout ce que nous avons vu, lu et entendu sur les plans de guerre des �tats-Unis contre Cuba.

Le principal auteur et promoteur de la d�claration anti-cubaine aux �tats-Unis (sign�e par Chomsky, Zinn et Wallerstein) est Joanne Landy, une auto-proclam�e "socialiste d�mocrate", et partisane depuis toujours d'un renversement violent du gouvernement Cubain depuis ces quarante derni�res ann�es. Elle est actuellement membre de la Commission des Relations �trang�res(CFR), une des principales institutions qui conseillent le gouvernement des �tats-Unis sur la politique imp�riale depuis plus d'un demi-si�cle.

Landy a soutenu l'invasion par les �tats-Unis de l'Afghanistan et de la Yougoslavie. Elle a soutenu le groupe terroriste albanais, l'UCK - appelant publiquement � un soutien militaire ouvert - responsable du meurtre de 2000 Serbes et du nettoyage ethnique de centaines de milliers de Serbes et d'autres au Kosovo. Ce n'est pas une surprise que de constater que la d�claration r�dig�e par cette extr�miste de droite d�guis�e ne fait aucune mention des r�ussites sociales � Cuba ou d'une opposition � l'imp�rialisme. Il faut noter aussi que Landy �tait visc�ralement oppos�e aux Chinois, aux Vietnamiens et autres r�volutions sociales lorsqu'elle montait les �chelons de la CFR

Malgr� tout leur esprit critique tant vant�, les intellectuels "progressistes" ont ignor� la politique douteuse de l'auteur � l'origine de la diatribe anti-Cubaine.

LE R�LE DE L'INTELLECTUEL AUJOURD'HUI

De nombreux critiques de Cuba parlent de "principes" comme s'il n'y avait qu'un seul jeu de principes applicables dans toutes les situations quels que soient les acteurs et les cons�quences. R�clamer l'application de principes" tels que la "libert�" pour les personnes impliqu�es dans le renversement du gouvernement Cubain avec la complicit� du D�partement d'�tat transformerait Cuba en un nouveau Chili - o� Allende fut renvers� par Pinochet - et m�nerait � la destruction des acquis de la r�volution.

Il y a des principes qui sont plus fondamentaux que la libert� de quelques cubains fonctionnaires des �tats-Unis, tels que la s�curit� nationale et la souverainet� populaire. Il existe, surtout parmi la gauche progressiste aux �tats-Unis, une certaine attirance pour les victimes du Tiers-monde, ceux qui �chouent, et une aversion pour les r�volutionnaires qui r�ussissent. Il semblerait que les intellectuels progressistes �tats-uniens trouvent toujours un alibi pour �viter de s'engager aux cot�s d'une r�volution. Pour certains, c'est le vieux refrain du "stalinisme" - si l'�tat joue un r�le majeur dans l'�conomie, ou s'il y a des mobilisations de masses - qu'ils qualifient de "dictature pl�biscitaire". C'est parfois les services de s�curit� qui luttent contre le terrorisme qu'ils qualifient "d'�tat policier r�pressif".

Ces intellectuels vivent dans un des pays les moins politis�s au monde, avec un des appareils syndicaux les plus serviles et corrompus du monde occidental. Ils n'ont pratiquement aucune influence politique en dehors de quelques villes universitaires. Ces intellectuels �tats-uniens qui se disent pratiques n'ont cependant aucune connaissance ou exp�rience pratique des menaces et violences quotidiennes qui planent au-dessus des gouvernements r�volutionnaires et des militants en Am�rique latine. Leurs concepts politiques, � l'aune desquels ils approuvent ou condamnent toute activit� politique, n'existent que dans leurs esprits, dans un cadre universitaire sympathique et progressiste o� ils b�n�ficient de tous les privil�ges accord�s par la libert� capitalistes, sans courir aucun des dangers qu'affrontent les r�volutionnaires du tiers-monde.

Un peu de modestie, chers intellectuels prestigieux, critiques, et pr�cheurs de libert�. Posez-vous sinc�rement la question de savoir si vous aimeriez �tre pirat�s par une organisation terroriste bas�e � Miami. Posez-vous la question si vous aimeriez vous asseoir dans un grand h�tel touristique � la Havane au moment o� une bombe explose - cadeau des terroristes en train de siroter une bi�re avec le fr�re du Pr�sident, Jeb. Essayez d'imaginer la vie dans un pays qui est le premier sur la liste des cibles du r�gime imp�rial le plus violent depuis l'Allemagne nazie - alors peut-�tre votre sensiblerie morale accepterait de mod�rer vos critiques sur la politique s�curitaire Cubaine et de relativiser vos sermons.

Je voudrais conclure en pr�cisant mes propres "imp�ratifs moraux" - � l'attention des intellectuels critiques.

1 - Le premier devoir des intellectuels occidentaux est de s'opposer � leurs propres dirigeants imp�rialistes et � leur conqu�te du monde.

2 - Le deuxi�me devoir est de clarifier les enjeux moraux dans la lutte entre militaires imp�rialistes et r�sistance populaire/nationale et rejeter l'attitude hypocrite qui consiste � mettre sur le m�me plan d'�galit� la terreur de masse des uns et les contraintes de s�curit� justifi�es des autres, m�mes si elles sont parfois excessives.

3 - D�finir les limites de l'honn�tet� politique et individuel en tenant compte des r�alit�s et des enjeux avant de porter des jugements.

4 - R�sister � la tentation de devenir un "h�ros moral de l'empire" en refusant de soutenir des luttes populaires victorieuses et les r�gimes r�volutionnaires qui ne sont pas parfaits et qui ne jouissent pas de toutes les libert�s accord�es � des intellectuels impuissants qui ne repr�sentent aucune menace et qui sont donc autoris�s � se r�unir, discuter et critiquer.

5 - Refuser de se poser en tant que Juge, Procureur et Jury qui condamnerait les progressistes qui ont le courage de d�fendre des r�volutionnaires. L'exemple le plus scandaleux est l'attaque calomnieuse lanc�e par Susan Sontag contre le Prix Nobel Gabriel Garcia Marquez, qu'elle a accus� de manquer d'int�grit� et �tre un apologiste de la terreur Cubaine (sic). Sontag a prononc� ces accusations sanguinaires � Bogota, Colombie. Les escadrons de la mort Colombiens, en complicit� avec le r�gime, assassinent plus de syndicalistes et de journalistes que dans n'importe quel autre pays au monde, et ils sont loin �tre des "apologistes" du r�gime de Castro. C'est la m�me Sontag qui a soutenu avec enthousiasme l'invasion imp�riale et le bombardement de la Yougoslavie, qui a soutenu le r�gime int�griste Bosniaque et qui est rest�e silencieuse devant le meurtre et le nettoyage ethnique des Serbes et d'autres au Kosovo. Tu parles d'une int�grit� morale ! Le sens pr�cieux de sup�riorit� morale qu'on rencontre chez les intellectuels New-Yorkais autorise Sontag � d�signer Marquez aux escadrons de la mort et � penser qu'elle vient de prononcer une d�claration hautement morale.

Les intellectuels occidentaux ne devraient pas confondre leur propre futilit� politique et positions incons�quentes avec celles de certains intellectuels latino-am�ricains engag�s. Il y a un espace pour un dialogue constructif mais pas pour des attaques personnelles contre ceux qui risquent leurs vies tous les jours.

Il est facile pour un intellectuel �tre un "ami de Cuba" pendant les f�tes et les conf�rences, lorsque le risque est minime. Il est beaucoup plus difficile �tre un "ami de Cuba" lorsque l'empire totalitaire menace l'�le h�ro�que et p�se de tout son poids sur ses d�fenseurs.

A une �poque de guerres permanentes, de g�nocides et d'agressions militaires, Cuba a besoin de la solidarit� des intellectuels critiques, qu'elle re�oit de partout en Europe et surtout d'Am�rique latine. N'est-il pas temps que nous, aux �tats-Unis, avec nos illustres et prestigieux intellectuels et toutes nos majestueuses sensibilit�s morales, reconnaissions l'existence d'une r�volution vivante et h�ro�que qui lutte pour se d�fendre contre l'agresseur US et que nous laissions de cot� nos d�clarations qui n'ont d'importance que pour nous, que nous soutenions la r�volution et que nous rejoignions le million de Cubains qui ont f�t� le premier Mai avec leur dirigeant Fidel Castro ?


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